Le chemin perdu pour Quinta Playa : "putain de merde de sentier "

 

Laisser un message sur le forum

Les nouvelles... News... Noticias...

 

Quinta Playa est une grande plage du Sud d'Isabela (Galápagos pour ceux qui ne sauraient pas encore que nous sommes là-bas actuellement). C'est la cinquième plage en partant du village de Puerto-Villamil, d'où son nom. Derrière le cordon sableux de la plage il y a une grande lagune (Photo 1) que nous avions déjà étudiée avec Agnès, entre 2001 et 2002.

La première fois que nous l'avons visité, ce fut en longeant la côte, à marée basse, laissés là en plan par un guide peu zélé du Parc national Galápagos. Javier (c'est son nom), la honte soit sur toi ! La marche, de 7 heures, s'était révélée crevante et risquée pour une région ou il ne faut pas trop attendre de secours extérieurs en cas de pépin au milieu des gros blocs de lave friable. Nous étions arrivés, avec nos 20 kg de matériel sur le dos (Photo 2), crevés, lessivés, vidés. Les fois suivantes nous y étions allés - chat échaudé craint l'eau froide -, par mer, en profitant de voyages des chasseurs du Parc national (ils chassent les espèces introduites là par les premiers colons de l'île comme les chèvres, les ânes, les cochons, les chats) ce qui s'était révélé beaucoup plus pratique. Le débarquement se réalisait quelques kilomètres à l'Ouest de Quinta Playa ce qui ne nous laissait plus qu'une heure de marche… une rigolade par comparaison avec ce que nous avions déjà vécu. Malheureusement les chasseurs du Parc doivent couvrir un territoire immense et les voyages de ce type, avec cette destination précise, sont très rares.

Avoir recours aux pêcheurs locaux se révélait une folie vu qu'un inconscient avait payé, une fois, 500 USD pour ce même voyage… ce qui était devenu, de fait, le prix du trajet. Nous avions beau leur expliquer qu'il s'agissait des kilomètres probablement les plus chers en Amérique Latine et qu'avec cette même somme nous pouvions retourner en France en avion : rien n'y fit. Il était bien sûr hors de question de payer une telle somme pour ce voyage.

La dernière solution qui nous restait était de trouver un chemin, à l'intérieur des terres, plus direct et praticable avec nos charges. Un tel sentier existait ; il reliait Puerto Villamil et Quinta Playa et était anciennement utilisé par les chasseurs et les premiers gardes du Parc. Traversant les bosquets de la zone aride et évitant les chaos de lave et les taillis d'épines il est censé mener au nord de la lagune. Malheureusement, ce sentier, n'est plus guère utilisé et rares sont les personnes qui le connaissent encore. La nature faisant son œuvre le sentier est actuellement recouvert par la végétation et n'est plus décelable.

Avec deux comparses, Richard (le fils du 'Gringo Juan') et Beto (propriétaire du 'Beto's Beach Bar') nous nous sommes donc lancés le défi de retrouver le sentier et de le rouvrir. Le propos était de partir de bonne heure avec un chargement léger, de retrouver le sentier, de passer la nuit à Quinta Playa et de revenir le lendemain avec les coordonnées sauvegardées sur le GPS (Système de positionnement par Satellite).

Après avoir discuté avec les plus anciens du village nous en avions conclu qu'il fallait partir du 'Muro de las lagrimas', doubler le sentier de 'Barahonas', obliquer vers le nord pour contourner un 'cerro' (=colline) puis redescendre enfin vers Quinta Playa (cf. Carte). A part cela, nous n'avions guère d'information si ce n'était les coordonnées géographiques de notre point d'arrivée à Quinta Playa. Ici, pas de cartes topographiques ; les rares chemins et sentiers qui entourent le village ne sont maintenus que par le piétinement des usagers (généralement des chasseurs et des pêcheurs de poulpes). Entre 'Barahonas' et ce point d'arrivée, il nous faudrait donc deviner l'ancien sentier en prenant garde de ne pas le confondre avec les nombreux sentiers ouverts par les hordes d'ânes du secteur.

Nous partîmes donc tôt, le 8 décembre afin de profiter d'un campement à Quinta Playa sous la pleine lune. Dans nos sacs : des duvets, une tente, de quoi allumer le feu, de quoi manger, de quoi pêcher sur place, deux radios, un GPS, des réserves d'eau pour deux-trois jours et, surtout, une machette. Le taxi nous déposa au pied du 'Muro de las lagrimas' (le Mur des larmes) fin de la route carrossable. Et nous voilà partis plein d'entrain.

Le début du chemin, celui qui mène à Barahonas, nous était connu et ne posa pas de problème. Passé le crane d'âne qui signale la patte d'oie, à gauche vers la plage de Barahonas, nous pûmes nous enfoncer sans problème dans la végétation ; le sentier était bien tracé, régulièrement utilisé par les chasseurs du village qui ramènent à dos de cheval, le dimanche, leur récolte de chèvres.

Ce ne fut donc que progressivement, presque imperceptiblement, que la végétation commença à se refermer sur nous. Le sentier sous nos pieds commençait à devenir plus diffus, moins marqué, mais il ne déviait pas trop et de temps à autre, une grosse pierre entre les branches d'un gros buisson ou une raquette de cactus coupée nette semblaient nous confirmer le sentier. Richard, ancien volontaire de la Station Scientifique Charles Darwin et également guide pour touristes, en profitait pour me présenter la végétation et les oiseaux qu'il identifiait : les cactus Opuntias, le Chala (Croton) dont la sève tâche irrémédiablement les vêtements, le Palo Santo à l'odeur d'encens, les Pinsons, les Cucubes, les Garrapateros… De temps à autre, traversant notre sentier, une chèvre ou de petits groupes d'ânes dérangés se frayaient un chemin entre les buissons et les épines et disparaissaient de la vue.

Nous arrivâmes bientôt dans une zone à découvert, à un large carrefour marqué de cactus et profondément creusé dans la poussière. Tout autour, entre les taillis, se dessinaient des sentiers d'ânes et se devinaient des couches de terres battues où leurs petits groupes avaient dû dormir récemment. Après une courte pause, nous décidâmes que ce devait être à partir d'ici que - selon les informations glanées -, nous devions obliquer au nord. Nous marquâmes donc les coordonnées du point sur le GPS et, deux précautions valant mieux qu'une, nous fîmes d'autres repères avec de grosses pierres dans les branches et en taillant à la machette les raquettes des cactus.

Le sentier vers le nord grimpait lentement sur les pentes d'un 'cerro' et là aussi, les pierres entre les branches nous confirmaient notre sentier, du moins que le sentier que nous suivions avait été précédemment pratiqué. Le soleil s'était rapidement mis à notre verticale et nous devions nous arrêter plus souvent pour boire et prendre du répit. Peu à peu, au fur et à mesure que nous avancions, les sentiers que laissaient derrière eux les ânes se mirent à ressembler à celui sur lequel nous avancions. Nous vîmes bientôt, de la pente du 'cerro' au-dessus de la végétation, le littoral s'étendre à nos pieds. Le GPS nous indiquait une altitude de 60 m et nous devinions, un peu plus haut, le sommet de la colline. Nous fîmes une pause qui nous permit de nous mettre vite d'accord ; si le sentier pour Quinta Playa passait par là, les anciens nous l'aurait signalé. Le sentier balisé par des pierres menait peut-être au sommet - ou ne menait nul part -, mais dans tous les cas probablement pas où nous voulions aller.

Nous rebroussâmes donc chemin vers le carrefour que nous avions repéré et choisîmes l'option Sud. De fait nous savions que nous n'y rencontrerions pas de 'cerro' à contourner - comme on nous l'avait indiqué -, mais le sentier de terre battue était large et semblait obliquer régulièrement vers le sud-est plein cap vers Quinta Playa. La suite sembla nous donner raison. Après quelques kilomètres nous découvrîmes le long du sentier de nombreux artefacts de métal rouillé, certains de la taille des gros containers utilisés par l'armée. Or, Quinta Playa était connue et visitée à l'époque des bases militaires américaines sur l'île comme à l'époque du pénitencier. Le sentier était large, avait été pratiqué auparavant et le cap était bon… c'est justement à partir de là que ça c'est compliqué !

Plus nous avancions et plus les sentiers d'ânes se firent nombreux. Pire, nous nous rendîmes compte que de petits sentiers se réunissaient souvent pour former de larges sentiers rectilignes. Nous perdîmes peu à peu confiance sur le chemin que nous devions suivre. Il devint vite évident que les pierres que nous retrouvions entre les branches ne signalaient peut être pas la direction que nous devions suivre sinon le chemin de retour parfois ancien de quelques chasseurs. Le terrain devint plus dur à pratiquer et la terre battue fit bientôt place à un sol de blocs de lave que nous devions parfois escalader. Plusieurs fois, nous nous heurtâmes à des murs d'épines que nous franchîmes à force coups de machette (Photo 3).

La moitié de la journée était déjà passée depuis longtemps et il devint évident que nous n'étions pas sur un chemin praticable avec des charges. Plusieurs fois nous dûmes contourner des murs d'épines ou rebrousser chemin devant des parois de lave tout en essayant de garder le cap vers notre but. Les pauses se firent plus fréquentes et nous n'avions toujours pas mangé, conservant l'espoir que nous pourrions bientôt établir notre campement sur la côte, sinon sur la plage de Quinta Playa elle-même. Le GPS nous indiquât bientôt qu'il ne nous restait que quelques petits kilomètres à parcourir… et le terrain devenait de plus en plus difficile.

De rage, nous essayâmes bientôt de passer en force, à coup de machette, à travers les buissons d'épines et malgré les éboulis de blocs de lave. En vain. A la moitié de l'après-midi, épuisés nous nous heurtions à un mur de végétation infranchissable. Le bruit de la mer nous indiquait que nous étions proches du but, mais rien à faire, impossible de passer.

Nous posâmes nos sacs au pied d'un grand arbre du sommet duquel il était possible de voir le bleu de la mer bordé au nord par le vert de la mangrove et qui nous indiquait la lagune de Quinta Playa (Photo 4). Mais aucune éclaircie dans la végétation par où essayer une trouée. Le GPS indiquait 1700 m de notre destination et nous apprîmes plus tard que nous étions à peine à 600 m du littoral. Mais rien à faire, impossible de passer. Nous mangeâmes enfin et fîmes une sieste (Photo 5, 6).

Reposés et les idées plus claires malgré la chaleur suffocante nous fîmes le point et convîmes de rebrousser chemin. Ce n'est pas ce soir que nous dormirions à Quinta Playa !

Le sentier du retour ne posait pas vraiment de problème ; sauvegardé sur le GPS et balisé par les pierres que nous avions laissées entre les branches il nous suffisait de suivre nos propres pas. Nous essayâmes de suivre nos traces afin d'effacer les repères d'un chemin qui ne nous avait mené nul part afin de ne pas fourvoyer d'autres équipages aussi chanceux que nous… Une fois sortis des éboulis de lave, nous bénîmes bientôt les ânes qui nous avait trompé avec leurs sentiers car ils nous facilitaient aussi le chemin du retour. Nous n'avions plus qu'à suivre leurs traces tout en gardant le cap vers le carrefour qui nous garantissait de retrouver le chemin vers 'Las barahonas' et le 'Muro de las lagrimas'.

Nous arrivâmes au carrefour alors que le soleil commençait à tomber dans le ciel. Nous marchions depuis la levée du jour et c'est la perspective d'une douche et l'impossibilité de faire un feu dans cette végétation sèche qui nous convint de ne pas faire un campement et de retourner au village. Il nous fallait maintenant juste rebrousser chemin avant la tombée de la nuit au 'Muro de las Lagrimas' afin d'avoir une chance de contacter, par radio, un taxi qui viendrait du village.

Nous arrivâmes au Mur, après onze heures de marche, et comme par enchantement un taxi, qui faisait une ultime course pour des amoureux, se présenta à nous (merci Ruben !). Nous avions échoué dans notre tentative de rouvrir un chemin vers 'Quinta Playa' mais nous étions heureux (et crevés ! Photo 7, 8) par cette tentative.

Bien sûr l'échec appel un nouvel essai mais avec la saison des chaleurs qui s'est maintenant installée ce ne sera pas avant plusieurs mois… et avec des instructions un peu plus claires de la part de ceux qui savent ! A suivre donc.

 

Vincent